Rions des excès du transhumanisme
Une définition prise au hasard sur Internet définit le transhumanisme ainsi :
« Courant culturel et intellectuel répandu dans le monde entier visant à promouvoir l'amélioration de la vie via l'utilisation de la technologie, éliminer le vieillissement et augmenter les capacités humaines, que ce soit au niveau intellectuel, psychologique ou physique. »
Ceux qui ont vu Orphan Black reconnaîtrons les cinglés de Neolution, qui dansent en boîte de nuit avec des yeux fluorescents ou se font greffer une queue. Mais c'est un mouvement qui existe aussi dans la réalité, avec ses théoriciens et ces praticiens.
Je vais faire un petit panorama de certaines des idées les plus folles mises en œuvre à travers le temps.
Il y a des gens qui ont fait entrer dans leur organisme des bactéries en grande quantité, plusieurs centaines de grammes au total, souvent d'odeur nauséabonde, sous prétexte que ça leur permet de manger plus varié et de mieux éliminer.
Dans certains milieux, on a adopté la pratique de s'injecter des pathogènes modifiés dans l'espoir de s'approprier leur force pour mieux combattre d'autres pathogènes. C'est même souvent pratiqué sur des enfants, des bébés.
Encore plus effrayant, des groupes ont inséré au plus profond de leur organisme des espèces de cellules primitives afin d'amplifier la capacité de leur métabolisme énergétique. Cet implantation est tellement profonde qu'elle est transmise à la descendance : leurs enfants naissent avec les mêmes altérations.
Moins inquiétant mais beaucoup plus courant, on trouve beaucoup de milieux où on s'envoie des molécules, extraites de plantes ou carrément synthétiques, dans le cerveau en vue d'améliorer ses performances.
Plus à l'extérieur, il existe des gens qui ont adjoint à leur peau naturelle, sur tout ou partie de la surface, une peau artificielle destinée à augmenter leur résistance aux intempéries. Elle joue aussi parfois un rôle esthétique.
Souvent, des accessoires mécaniques ou électroniques sont incorporés à cette peau artificielle pour donner des capacités surhumaines. Les derniers développements font état d'un accessoire capable d'échanger des pensées à grande distance et de décupler les connaissances du porteur.
Toutes ces pratiques sont terriblement inquiétantes. Il va être très urgent de légiférer.
Non ?
J'ai un aveu à faire : je fais partie de tous ces groupes.
En effet, j'ai acquis un microbiote intestinal dès que mon système digestif s'est mis à fonctionner. Je suis à jour des vaccins obligatoires et de quelques facultatifs. Les cellules de mes ancêtres ont acquis des mitochondries il y a plus d'un milliard et demie d'années. Il m'est arrivé de boire du café ou d'inhaler accidentellement de la nicotine. Je porte des vêtements, une montre, un smartphone dans une poche.
Depuis la nuit des temps, les espèces suffisamment évoluées ont cherché à utiliser tous les avantages qu'elles pouvaient trouver pour améliorer leurs chances de survie et de prospérité, qu'ils soient intérieurs à leur corps ou extérieurs. Elles l'ont fait d'instinct ou par hasard, puis l'une d'elles a commencé à le faire délibérément.
Biface, attelles, lunettes, casquettes, médicaments, patins à roulettes, pacemakers, aides auditives, la liste des choses qu'on ajoute au corps humain pour pallier ses déficiences ou lui permettre l'impossible est quasiment infinie. Pour paraphraser Hercule Poirot : mon ami, une prothèse posée sur le nez est tout autant artificielle qu'une prothèse implantée sous la peau.
La technologie progresse, et avec elle les possibilités, mais notre capacité à évaluer les conséquences et à nous rendre compte des risques progresse à peu près au même rythme, donc il n'y a pas tant de soucis à se faire que ça. Il y aura quelques accidents sur le chemin, des idiots se CRISPReront les gènes dans leurs garages et récolteront un prix Darwin, mais rien qui menace l'équilibre de la société.
La peur du transhumanisme n'est pas rationnelle, je la vois inspirée par la sacralisation, au choix, de la nature ou bien de l'être humain comme créature parfaite car d'inspiration divine. Dans les deux cas, il s'agit au fond d'un rejet de la notion d'intelligence.
Alors, la prochaine fois que vous entendez un philosophe-à-la-télé (c'est un métier) agiter la peur du transhumanisme pour vendre son dernier ouvrage, demandez-lui ce qu'il pense du transbernard-l'hermitisme.
Publié le 3 février 2019